Retrouvez l’album photo de l’étape ici.
09-10 Avril : escale à Guernesey
Les esprits affutés auront remarqué que Guernesey n’est pas exactement sur la route directe entre la pointe Bretagne et l’Ecosse. Certes, mais les îles Anglo-Normandes possèdent une caractéristique unique et particulièrement attractive: elles sont libres de droits de douane et autres taxes ! Cela rend le shopping terriblement intéressant, au point de faire deux cents milles face au vent pour y faire un (dé)tour.
En particulier, nous devons y récupérer notre régulateur d’allures. Départ en bus avec un petit diable pliant à roulettes, deux grands sacs de rando vides et pas mal de bouts, nous arrivons ainsi équipées à pied dans la zone « cargo » de l’aéroport. Le régul est bien arrivé, ce sont les quatre grandes boîtes là, il n’y a plus qu’à les emmener. « Mais… vous avez une voiture ou quelque chose ? » s’enquiert le préposé au colis ? « Non, mais un chariot, des sacs, du bout, de l’imagination, et beaucoup de volonté ! » qu’on lui répond. Il nous laisse donc s’arranger de ces belles caisses (dont la majorité dépasse allègrement le mètre de long et les quinze kilos), un brin amusé. Mais n’en déplaise aux grincheux, tout tient relativement bien en place et nous partons cahin-caha vers le bus qui doit nous ramener en ville.
Une traversée de l’île plus loin, nous chargeons notre précieux chargement à bord. Nous aimions tellement notre régul sur Saltimbanque (ce sacré Bob…) que nous avons maintenant du mal à naviguer sans… On espère que ce grand frère nous donnera autant satisfaction. Il sortira, un jour, de ces quatre grosses boîtes qui pour l’heure trouvent leur place bien calées dans la cabine arrière.
Entre deux séances shopping nous prenons quelques instants pour nous balader sur la très belle île de Guernesey. Cela fait plus de 12 ans que nous n’étions pas venues, et nous sommes contentes de retrouver les perspectives sur l’archipel des Anglo-Normandes, les statues de Victor Hugo, les « prémices qui sont à l’amende » et les mers déchaînées par les forts courants locaux toujours aussi spectaculaires… qu’on observe volontiers depuis la terre !
Nous voulons retourner en mer dès que possible et profiter des derniers instants de cet anticyclone incroyable qui nous aura amené tout ce soleil, et tout ce vent de Nord-Est. Avant de partir, il nous reste à faire le plein de diesel. Laure se souvient qu’il y a très très longtemps elle faisait du trading de produits pétroliers et appelle toutes les entreprises des environs pour nous trouver le meilleur tarif. Rendez-vous est pris pour 7h du matin au port semi-industriel de Saint-Sampson à 2 milles au Nord de Saint-Peter : Gary est là avec son camion-citerne et nous passe un gros tuyau pour remplir UtPåTur. Un réservoir, puis l’autre, puis un jerrycan de secours, et voilà : 376 litres de diesel chargés à bord, à 73 centimes de Livre Sterling le litre, opération réussie !
11-12 Avril : Guernesey – Falmouth (119M)
C’est donc un véritable petit tanker à voiles qui quitte le port de Saint-Sampson et s’en va transporter sa cargaison de diesel à travers la Manche. Le vent souffle encore d’Est pour environ 24 heures et nous sommes ravies de faire une navigation au portant pour changer!
Nous craignons même d’être trop vent arrière et de ne pas pouvoir faire route directe sur Falmouth, mais à notre grande surprise il n’en est rien. Nous sommes presque au travers sur une mer belle à peu agitée, et on file ! Environ 6 nœuds de moyenne sur la surface, c’est rapide pour nous qui sommes encore habituées à un 28 pieds…. En plus il fait beau, qu’est ce qui pourrait venir gâcher ce magnifique tableau ? L’enrouleur de génois essaie bien de se coincer, pour voir, mais le problème est sans gravité et résolu immédiatement. Passer le rail des cargos devient de la rigolade avec notre AIS qui nous montre tous les navires sur la carte bien avant que nous puissions les apercevoir sur l’horizon. Vraiment, c’est juste une nav’ absolument magnifique comme il en arrive parfois !
Le soleil ne se couche que pour laisser place à un splendide clair de lune, et nous fonçons. À ce train-là on va arriver de nuit… on voit déjà l’Angleterre depuis le début de la soirée. Et en effet nous entrons dans la rivière de Falmouth peu après 3h du matin. Le temps d’hésiter un peu sur quel mouillage choisir, nous jetons l’ancre près du centre-ville. C’est officiel, nous avons mis moins de temps à faire 115 milles de Guernesey à Falmouth que pour les 45 milles qui séparent (en ligne droite) Port-Blanc de Guernesey. Note pour plus tard : éviter le près…
13-15 Avril : Falmouth et sa rivière
Nous aimons beaucoup les Cornouailles anglaises et retrouvons avec grand plaisir la ville de Falmouth, les petites maisons blanches bordées de noir, les murs à marée en pierres verticales, les plantes tropicales qui s’épanouissent sous le crachin Grand-Breton, et quelques spécialités locales : les « cornish pasties » (chausson à la viande et aux pommes de terre) et le « cream tea » (du thé avec des scones, de la confiture et une grosse cuillère de la fameuse « clotted cream »).
Mais notre mission pendant cette escale « urbaine » est surtout de commencer à installer notre régulateur d’allures et vérifier que nous avons tout le matériel pour ce faire. Nous comprenons vite qu’il va nous falloir un peu d’aluminium et une bien meilleure perceuse… Cette dernière est dénichée sans problème au magasin de bricolage juste devant le mouillage, et la compagnie « ABS metal », à portée de vélo pliant, nous prépare les plaques d’aluminium qu’il nous faut.
Parfait, nous pouvons quitter la ville pour le fond de la rivière Fal, où nous serons mieux abritées pour le coup de vent de Nord-Ouest à venir. On y trouve même un petit ponton flottant non relié à la terre particulièrement confortable pour laisser passer le gros temps. Une fois les amarres frappées et doublées, on se réfugie à l’intérieur du bateau, alors que la pluie commence à tomber dru.
Et il pleut. Il pleut, il pleut. Nous avons quelques rafales assez fortes mais nous sommes très bien abritées et le vent n’est pas un problème. Mais il pleut toujours, à verse. Il va pleuvoir des cordes sans interruption pendant plus de trente heures… C’est donc une journée hors du temps où nous ne mettrons pas le nez dehors, préférant la douce chaleur du poêle aux violentes rafales trempées ! Une exception, en allant se coucher on commence à s’inquiéter de l’annexe suspendue dans le bossoir et qui est en train de se remplir franchement d’eau. Laure exécute alors une sortie héroïque pour aller ouvrir le bouchon de vidange de l’annexe, avant de revenir vite vite se blottir sous la couette !
16 – 18 Avril : rivière Fal à Newlyn (44M)
Le lendemain matin, comme si rien ne s’était passé, le soleil brille dans un grand ciel bleu… Parfait, nous profitons de ces bonnes conditions pour travailler un peu sur notre régulateur d’allures avant de partir. La première phase de l’installation consiste à aller positionner depuis l’annexe, sous la plate-forme arrière à trente centimètres au-dessus de l’eau, une pièce de fonte d’aluminium de cinq bons kilos exactement centrée et horizontale, puis de percer deux gros trous de 10mm de diamètre à travers. Une opération que nous ne pouvons effectuer que sur mer plate et par temps sec donc !
Après quelques heures de perçage, meulage et mesures diverses, nous décollons de notre super ponton-abri pour un mouillage plus conventionnel dans l’entrée de la Helford River. Très belle vue sur les champs alentours et une jolie maison de pierre.
Le temps est calme, alors nous continuons l’installation du régul. Une fois les trous du bas percés, il faut aller positionner la pièce en fonte et sa contre plaque, et la boulonner en place, toujours à trente centimètres de l’eau et sans perdre ni boulon ni écrou, ni rien d’ailleurs. Parfait, tout s’est bien passé ! On peut ensuite continuer à monter l’ensemble du régulateur… mais « pour de faux », puisque le but de cette opération est tout simplement de marquer exactement le perçage de la seconde pièce de fonte qui doit venir au-dessus de la première. On perce, et on re-démonte tout, sans rien perdre dans l’eau encore une fois…
Après ces heures hyper concentrées, on profite de la belle lumière du soir dans la rivière. Laure ne résiste pas à un petit plongeon express juste avant la douche chaude. Il faut dire que la mer se réchauffe bien, elle est à 11 maintenant !
Le lendemain nous voit relier Newlyn au moteur, pas élégant mais efficace à six nœuds et demi… Nous ne sommes jamais allées à Newlyn, un des plus grands ports de pêche d’Angleterre qui accepte depuis peu quelques bateaux de plaisance à l’escale. C’est de fait le premier endroit que nous découvrons depuis le départ et dès les amarres posées nous partons explorer !
Le village de Newlyn est vraiment charmant, surtout quand un rayon de soleil fait briller les bateaux de pêche multicolores. Petites rues entrelacées, maisons de pierres, plantes tropicales, poisson frais à tous les coins de rue et notre première glace du voyage, un seul parfum au choix dans la boutique : « Crème de Cornouailles » !
Le sentier côtier continue jusqu’à Lands End en passant par le port de poche (voire de pochette …) de Mousehole. Chouette balade dans un temps très incertain. Car oui aujourd’hui il pleut, il vente et il tangue au ponton, alors le régulateur va attendre un peu !
19-20 Avril : les Îles Scilly ! (36 M)
Les Scilly… petit archipel paradisiaque situé au large de l’Angleterre et accessible uniquement avec de bonnes conditions météo que jamais, au grand jamais, nous n’avons eues en venant de l’Est. C’est bien simple, d’expérience les Scilly ne se rejoignent que depuis l’Irlande…
Et pourtant ce que nous voyons ce matin ressemble diablement à une fenêtre météo pour ces îles magiques… C’est parti donc dans un vent de Sud-Est qui devrait nous pousser gentiment toute l’après-midi. Enfin une fois dégagées de la pointe de l’Angleterre puisque pour l’instant nous sommes au près sous trinquette. Mais en effet le vent adonne rapidement, puis tombe… Au portant lent… ça c’est une mission pour notre spi ! Nous ne l’avons toujours pas renvoyé depuis l’aventure des points d’amure et d’écoute inversés, et cette fois l’envoi se passe bien. On remonte la chaussette, on borde et… voilà, pour la première fois de sa vie (les anciens propriétaires n’en avaient pas), UtPåTur navigue sous spi !!! Les dauphins viennent encercler le bateau pour fêter ça…
Les îles tant désirées grossissent à l’horizon, et nous allumons le moteur pour pallier au manque critique de vent sur les derniers milles… Il est prévu de se relever d’Est, puis de tourner au Nord, mais la houle (de Sud, cherchez l’erreur !) assez forte nous empêche de rejoindre le premier mouillage que nous avions repéré. On se replie sur l’île de Saint-Martin’s, pas très protégée du vent d’Est prévu mais bien mieux de la houle. La pioche pose dans 2 mètres d’eau parfaitement turquoise, entre petites îles ensoleillées et plages de sable blanc…. C’est magnifique pendant au moins 10 minutes, puis le soleil se cache et éteint les couleurs…
Nous avons de toute façon beaucoup à faire à bord et n’avons pas vraiment le temps de profiter. C’est d’abord l’anémo qui est de nouveau plein d’eau de pluie et a totalement cessé de fonctionner cette fois. Puis une nouvelle fuite sur le circuit d’eau douce à réparer rapidement. Et cette pièce de métal façon « petit bout de toron de hauban » que l’on retrouve sur le pont et qui nous incite à monter au mât vérifier que tout va bien. Et ce gros nuage de grain qui arrive ne nous dit rien de bon…
Au final peu de pluie et de rafales, nous pouvons nous coucher sur un mouillage magnifique, mais quand même assez rouleur…
La nuit voit le vent et la houle se calmer, et nous nous réveillons sur un lac. Parfait, c’est exactement les conditions que nous recherchons pour aller s’aventurer hors des sentiers battus entre les îles grâce à notre petit tirant d’eau !
Direction l’Est de l’île de Tresco, à proximité du havre d’Old Grimsby. Nous visons la belle plage de sable juste à côté. Les coefficients de marée sont très faibles et pas très propices à un échouage complet du bateau, mais nous profitons quand même de notre fond plat pour mouiller au ras de la côte.
La balade à terre est assez mythique… Chaque point de vue est splendide, le sable blanc tout doux, la mer turquoise glaciale, le bateau, les rochers derrière, les huîtrier-pies qui brillent dans le soleil… Bref, la magie des Scilly… Nous sortons même le drone pour la première fois depuis des mois et immortalisons autant que possible ce mouillage de rêve…
Alors certes nous n’avons pas posé le bateau, mais nous avons quand même assouvi nos fantasmes de venir aux Scilly avec un dériveur et en prendre plein les yeux…
20-22 Avril : Scilly – Pwllheli (203 M)
Nous pourrions rester aux Scilly des semaines avec ces conditions, mais dès le début de l’après-midi le vent d’ouest se lève. Il va rester maniable 48 heures avant de se renforcer jusqu’au grand frais force 7 par la suite. Ça nous laisse deux jours pour faire de la route…
Alors nous rangeons les sandales de plage, ressortons les dessous polaires et les cirés, et nous préparons pour une grande navigation. Juste avant de partir, nous réussissons à réparer notre anémo, en enlevant la dernière goutte d’eau qui restait et qui faisait malencontreusement court-circuit entre deux pattes du microcontrôleur…
Nous ressortons de l’archipel par le nord et la passe d’Old Grimsby sound. Puis dès les cailloux parés, les instructions sont simples : cap au 12 jusqu’à la pointe de Saint-David qui marque le début de la mer d’Irlande et le canal Saint-Georges, puis cap au 37 !
La navigation se passe bien dans un vent un peu plus calme que prévu au début. La nuit est bien plus sombre que lors de notre traversée de la Manche par contre, mais nous commençons à savoir retrouver les bouts dans le noir à présent. Ça tombe bien, le vent monte et nous devons réduire : un ris, puis trinquette, puis le deuxième ris, auquel ne survit pas la poulie ouvrante de renvoi de bosse… Zut alors, ça ce n’est pas très difficile à remplacer, mais c’est plutôt cher…
Tout ça pour que le vent retombe très vite, il ne s’agissait en fait que d’un grain, et nous renvoyons vite le ris. Avec toutes ces manœuvres, nous sommes toutes les deux assez fatiguées. Nous ne sommes pas encore assez à l’aise pour manœuvrer en solitaire pendant que l’autre dort sans se rendre compte de rien, notre sommeil est donc extrêmement morcelé.
Heureusement le jour se lève, le temps s’améliore et la journée sera extrêmement agréable. Et nous fonçons ! 149 milles navigués les 24 premières heures… Nous n’avons vraiment pas l’habitude de tenir de telles moyennes, et sans effort particulier ! Nous veillons principalement depuis le poste de veille à l’étage, au sec et à l’abri du vent, quel confort…
La deuxième nuit tombe quand nous ne sommes plus qu’à une trentaine de milles de l’arrivée… Le vent s’essouffle doucement et nous devons allumer le moteur pour les trois derniers milles. Il n’est jamais confortable d’arriver au moteur de nuit au ras des côtes, à cause du risque de percuter un casier et d’emmêler l’hélice dedans… Laure va donc à l’avant munie d’un projecteur pour essayer de repérer les petites bouées à temps. Oups, à peine sa lampe est-elle allumée que nous en voyons une juste le long de la coque… Une deuxième passe dix mètres à tribord… bon, et bah on va bien éclairer devant alors… Le projecteur cherche les casiers, et réveille les poissons au passage. Cela attire les dauphins qui longent le bateau, arrivent dans la lumière du projecteur et font des bonds phénoménaux en plein dans le faisceau ! Waouuu !!!
Au final nous verrons plus de dauphins que de casiers (ça nous va bien !) et nous arrivons sur la plage d’Abersoch vers deux heures du matin. La pioche tombe, et nous allons dormir quelques heures, non sans avoir pis une douche chaude auparavant :o) Demain le jour se lèvera sur un nouveau pays inconnu, le Pays de Galles ! Mais ça c’est une autre histoire…
Au sec et au chaud sous la pluie, le drone.. que du bonheur!
Et notre rêve s’éveille à la lecture de ces navigations !
Merci de ces narrations émotionnelles !!!
Je constate que vous »apprenez » le UTPATUR et c’est super 🙂
Et je vois aussi que le drone n’a plus de secret pour vous 😉
Ça promet de belles images, grand merci 🙂
Comme d’habitude , vous nous avez encore fait faire un magnifique voyage , avec des photos qui font rêver …
Merci les filles !!
Ça y est nous voyageons parmi paysages et couleurs merveilleuses (très beau le spi) ,il y a quand même quelques complications mais n êtes-vous pas des filles-tout terrain ce gentil fou vole très vite